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Monjangaia

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C'est un blog d'informations et d'analyses sur l'actualité internationale en général, et, malgache, en particulier.

Publié le par Eddy Rabe
Andry Rajoelina: brouillon et embarrassé.

Comme c'est une nouvelle version du blog, je vous retranscris ici certains articles publiés sur l'ancienne version. Celui, ci-après, a été publié le 05 avril 2012. Bonne lecture!

Fait rare pour être souligné, un chef d'Etat malgache a accepté de répondre directement aux questions d'une journaliste lors d'une émission télévisée. Le vendredi 23 mars dernier, en effet, Andry Rajoelina, Président de la Transition de Madagascar était l'invité de l'émission "L'invité du Zoma" présentée par la pertinente Onitiana Realy de TV Plus Madagascar. Deux heures durant, le débat était focalisé sur les 03 années de transition conduite par l'ex-leader de la "Révolution Orange" malgache. Rien ou presque n'a été épargné et la circonstance était bien appropriée pour faire le bilan d'une gouvernance sujette à une crise qui plonge Madagascar dans une impasse politique et un chaos socio-économique indescriptibles suite à la chute du régime de Marc Ravalomanana.

Comme à son habitude, Onitiana Realy n'est pas allé par quatre chemins pour animer le débat, et notamment, pour mettre Andry Rajoelina devant les faits durant les 03 années pendant lesquelles il a étrenné l'habit de chef d'Etat de la République de Madagascar. La journaliste n'a pas du tout ménagé le Président de la Transition face à ses responsabilités devant la crise et à ses conséquences directes par rapport à la population. L'initiative de Andry Rajoelina de se prêter au jeu pour présenter son bilan était louable mais il est moins sûr que sa prestation a convaincu.

D'abord, sur le plan politique. Andry Rajoelina a confirmé dans l'émission que seule la feuille de route signée en septembre 2011 constitue comme la seule voie possible de sortie de crise. Il ne faut pas oublier que lui et sa mouvance n'avaient pas démontré une grande adhésion à la mise en application des feuilles de route signées depuis les pourparlers de Maputo ou encore suite aux décisions de la SADC à Gaborone ou à Sandton. Il s'est même campé sur sa position en nommant un Premier ministre militaire sans concertation ni consensus politique. Aujourd'hui, face à la communauté internationale, par le biais de la SADC, impuissante pour adopter une position ferme sur la question épineuse du retour au pays de Marc Ravalomanana et soucieuse de vouloir sauver sa crédibilité sur la crise malgache qui s'enlise, la Transition s'est engouffrée dans la brèche de la loi d'amnistie pour régler les situations des détenus et des exilés politiques; une initiative soufflée par la SADC et qui pourrait écarter une bonne fois pour toute le cas Ravalomanana. Et quand Onitiana Realy lui rétorque que la Transition n'adopte que des solutions de complaisance en lieu et place des solutions consensuelles et inclusives, le chef de l'Etat était brouillon dans ses réponses se réfugiant dans l'adoption prochaine de la loi d'amnistie pour une solution durable pour le pays.

Accusations gratuites

Sur l'enrichissement rapide et sans fondement de beaucoup de hauts dignitaires de la Transition ou même de certaines personnes de son entourage, là encore Andry Rajoelina n'a pas trop convaincu. Il était même apparu embarrassé; sa réponse en dit d'ailleurs long: "Ce ne sont que des accusations gratuites. Que ceux qui avancent de tels propos apportent des preuves et on sévira." a-t-il asséné. Le petit peuple qui trime de plus en plus depuis 3 ans apprécierait.

Ensuite, sur la sécurité, volet qui préoccupe beaucoup les Malgaches en ce moment, citadins aussi bien que ruraux, Andry Rajoelina a reconnu son impuissance et l'appréhension grandissante de la population. Il a, toutefois, promis des mesures drastiques comme l'augmentation des moyens des forces de l'ordre et qu'il y veillera personnellement pour leurs applications. Quant à l'économie, nul n'ignore la situation dans laquelle se trouve le pays et sa population. Le Président de la Transition s'est toutefois réjoui du fait que, malgré les différentes sanctions internationales découlant de sa prise de pouvoir inconstitutionnelle, la machine administrative a continué à fonctionner normalement et le pays, bon gré, mal gré, a toujours produit. Ce qui est juste, mais il n'a pas su expliquer précisément comment. En fait, la somme, versée par un groupe minier chinois d'un montant de 100 millions de US Dollars pour l'étude de la prospection d'un immense minerai de fer à Soalala, a grandement soulagé les finances du pays. Ce qui l'a mené en contradiction plus tard en annonçant qu'aucun contrat minier ne devrait être délivré durant la période transitoire. Mais c'est sur le volet social, en dépit de la paupérisation des Malgaches, que le chef de la transition s'est montré le plus à l'aise. Il faut dire que c'est sur ce volet que la Transition redore le plus son bilan avec la construction d'hôpitaux modernes un peu partout dans l'Ile et qui vont, selon toujours Rajoelina, dispenser des soins gratuits. C'est, en effet, un projet consistant digne d'un programme présidentiel surtout avec l'état actuel des hôpitaux et du système de santé malgaches. Il a eu amplement le mérite de le mener à bien dans un contexte de transition compliqué mais là encore, il n'a pas pu développer l'origine des fonds pour la construction de ces hôpitaux malgré l'insistance de la journaliste.

Une fierté personnelle

Dans son ensemble, la sortie médiatique de Andry Rajoelina converge avec la situation politique actuelle qui situe le régime de transition dans une position de force. Sa participation à l'émission est en quelque sorte un message adressé à l'opposition sur une gestion transparente du pays et une vitrine conséquente pour les réalisations du régime comme, notamment, l'acquisition par Air Madagascar de 2 Airbus A-340 300. "Une fierté personnelle" a dévoilé le Président de la Transition. Mais, l'exercice était sans risque. La transition a trop duré et cette situation ne profite pas au pays déjà exsangue économiquement avec la gestion de Marc Ravalomanana. Elle est même propice aux mouvements de déstabilisation comme les grèves de tous genres, l'insécurité ou encore l'inflation faute de ligne politique et de gouvernance claire; tout comme elle peut constituer un foyer d'opportunités malveillantes comme l'enrichissement illicite et les trafics (trafics de bois de rose par exemple). Andry Rajoelina s'en est même agacé en déclarant qu'il est devenu le bouc émissaire de tous les maux du pays; une attitude ressentie dans ses réponses brouillonnes et embarrassées par moment. Mais c'est la rançon à payer d'une transition longue sans légitimé d'un vote démocratique avec lequel on peut facilement assumer ses choix politiques. A croire ses propos dans l'émission au sujet de sa participation à la prochaine élection présidentielle, Andry Rajoelina compte rétablir cette situation. Car l'ancien maire d'Antananarivo entend bien se présenter. Selon lui, les circonstances ne sont plus les mêmes par rapport à la période où il a déclaré ne pas entrer en lice à la conquête de la Magistrature Suprême. C'était en mai 2010, on n'était, en effet, qu'à 1 an de cette "transition-mandat."

EDDY RABE

Andry Rajoelina, Président de la Transition de la République de Madagascar.

Andry Rajoelina, Président de la Transition de la République de Madagascar.

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